L’être humain s’accroche à ses représentations symboliques et à son langage imagé parce qu’ils lui permettent de développer sa vision abstraite de la réalité au quotidien. Nos archétypes et nos symboles, utilisés par toutes les cultures, ont pour fonction de schématiser notre façon de penser.
Par exemple, la musique possède sa portée musicale qui transfère les sons en notes et codifie le rythme. La pensée mathématique a développé des axiomes et des équations comme cadres mnémotechniques afin de cristalliser ses raisonnements logiques. Les astrologues et les astronomes ont créé des cosmogrammes, des cartes du ciel et des figures emblématiques pour représenter les constellations du monde sidéral sur un seul plan, sans oublier les chimistes et les physiciens qui construisent régulièrement des modèles abstraits pour mieux visualiser l’infiniment petit et le remettre à notre échelle humaine. Le monde religieux, également, a volontairement sélectionné des formes géométriques pour miniaturiser l’essence spirituelle et la réduire en des signes particuliers.
Tous les secteurs d’activité humaine sont teintés de ces exercices de transfert où la complexité d’une situation, d’une réflexion, voire d’une vision du monde est replacée dans un cadre mnémotechnique à caractère symbolique. Le fait n’est pas banal d’autant plus qu’il date de la nuit des temps et permet de redécouvrir des formes de pensée primitive liées à des rituels dont l’objectif était et reste encore d’entrer en relation avec plus grand que soi. Même les autochtones actuels, qu’ils soient de la forêt amazonienne ou des déserts australiens, possède un langage riche en archétypes de toutes sortes afin de représenter ce qui a du sens pour leur communauté en un langage codé.
Nous évoluons tous et toutes dans un monde que nous interprétons comme physique au départ. Mais les plantes, les animaux, les montagnes et les océans cohabitent dans notre tête avec ces représentations symboliques appelés lettres, chiffres, formes géométriques, talismans porte-bonheur, graphiques, écussons, médailles et signes religieux qui semblent être la clé de voûte de nos valeurs humaines.
Nos activités sociales sont ainsi faites d’objets, de situations et d’êtres animés ayant un fort potentiel d’interprétation à double et triple échelle de valeurs, dont on peut constamment transférer le caractère concret et matériel en des représentations de plus en plus abstraites. Si notre monde de signes et de symboles est issu d’un effort imaginatif extraordinaire et d’une créativité collective sans égale, il est, par contre, un espace multi-facette où on ne sait plus toujours si l’objet symbolique porteur du message est plus important que la chose symbolisée. Heureusement, nous gardons malgré tout la mémoire des fondements philosophiques et sociaux qui animent tous ces systèmes symboliques (la culture, l’histoire, la religion, etc.).
Les bases de notre langage appelées archétypes sont intégrées à nos vies comme le rêve à notre sommeil et nous devons tenir compte de cette réalité pour notre évolution spirituelle. Toutes ces représentations symboliques vivent en nous, car nous sommes les seuls à en connaître la raison d’être et les seuls à saisir toute la grandeur d’évocation que cela présuppose. La pléiade de symboles que nous utilisons nous rappellent sans cesse que nous sommes des êtres structurés, réfléchis et connectés à un océan d’abstractions.
Michel Delage